Dernière Séance # 29

Journal d’un cinéphile au XXIème siècle

Pensées, aphorismes, observations, opinions, réflexions, blagues… Toute ressemblance avec la rubrique « Bloc-notes » de la revue Positif est absolument volontaire.


Mercredi 20 mai

Hier, entre deux perles enfilées, l’ami Frankie pris le temps d’en glisser une troisième. Riester, ministre de la culture français – plus proche de l’oiseau de volière que de l’homme d’état -, nous informe (enfin informe le peuple français, nous sommes belges) de l’éventualité de la réouverture partielle des salles aux alentours de juillet en attendant la décision plus ou moins définitive vers juin (finalement, c’est une semaine plus tard que la décision de rouvrir les salles le 22 juin sera prise). Peu de temps avant, il aura pris soin de glisser une demande à la profession, aux créateurs et plus précisément aux scénaristes d’intégrer la distanciation sociale dans leurs récits. Une manière d’aseptiser toujours un peu plus un cinéma qui – à quelques exceptions près – génère quantité de produits insipides et interchangeables. Mais aussi et surtout de normaliser la catastrophe sociale majeure dans laquelle petit à petit le monde s’enfouit, en réduisant l’art, le cinéma, ou toute autre représentation à une pure production totalement déconnectée de l’essence de l’humanité : le contact anthropien. Article écrit depuis un chez soi comme un autre, seul, dans une forme de télé-travail. T’inquiète Frankie, tes petits copains et toi aurez bientôt réussi.


Jeudi 21 mai

Si nous ne jurons pas vraiment par le travail critique du Filmtalker – l’un des youtubeurs cinéma francophones à franc succès – nous ne pouvons que conseiller Secrets de Scénaristes, ses entretiens filmés pour la Guilde Française des Scénaristes. Le vidéaste – intelligent dans sa manière de laisser libre court aux verbiages de ceux qui écrivent les mots des autres et donc, souvent, aiment et savent parler – regarde ses invités offrir leurs vérités et s’ouvrir à toutes les théories et méthodes scénaristiques. Ainsi, Yves Lavandier pourra tirer à boulets rouges sur la théorie des auteurs (en l’interprétant de manière assez fumeuse) tout en restant passionnant sur sa façon d’appréhender le fossé séparant son travail de créateur médiocre et de théoricien brillant. Alexis Manenti, plus en retenue, donne quelques informations sur les méthodes d’écriture des Misérables en dévoilant sans le vouloir les raisons de certains de ses écueils, ou encore Léo Karmann et Sabrina Karine qui dévoilent une passion non feinte et une ambition démesurée pour leur art ainsi qu’une vision gorgée d’espoir pour l’avenir du cinéma fantastique français.


Vendredi 22 mai

Parmi les innombrables films dont on attend une version ré-établie par leur auteur, parmi toutes celles rendues impossibles par la disparition de ceux-ci, parmi les films de Welles, Fincher, Lang, Browning, de John Woo, McTiernan, Michael Mann ou même Stuart Gordon (…), c’est bien à Zack Snyder que la Warner aura donné le droit – assorti de trente millions de billets verts (en plus des trois-cent budgétisés dès le départ) – pour remonter et compléter les CGI de son Justice League. Bien sûr, tous les cinéastes cités ci-dessus, ne font pas partie du catalogue Warner mais… vous voyez l’idée. Snyder, tâcheron incompréhensiblement adulé par toute une frange de la geekosphère visiblement vierge des œuvres originelles et imageries détruites par ce dernier, aura donc le droit de nous montrer la pleine maîtrise de son talent. Cette réaction est-elle cynique ? Probablement, mais il semble bien difficile de ne pas voir dans pareille entreprise une volonté (d’avantage cynique que ces quelques mots) de mettre sur rails la prochaine venue d’HBO Max, la plateforme de streaming du studio. Bref, la toile s’excite (180.000 signatures récoltées) pour la version rallongée d’une certaine vision du néant, elle même vraisemblablement une grande opération marketing. D’autres symptômes de la symbiose de plus en plus parasitaire entre l’industrie cinématographique et la structure sociétale qui la contient.


Lundi 25 mai

Dame Arte, éternelle promotrice de qualité diffuse Friedkin Uncut. Ce portrait de William Friedkin par Francesco Zippel, présenté à la Mostra de Venise, donne libre court à un Billy en représentation permanente, en verve drolatique, voire en gouaille à fleur de nerfs. L’effigie filmique semble rarement risquée dans son approche du personnage et de son cinéma, ne découvrant que très peu de zones d’ombres pour qui – intéressés par la grande œuvre – auraient lu Friedkin Connection, la passionnante autobiographie du cinéaste, ou cherché à décortiquer l’œuvre en elle-même, textes à l’appui. Mais ce documentaire à la forme simple donne pourtant lieu à de belles anecdotes de collaborateurs où exégèses d’admirateurs, parmi lesquels on dénombrera les présences de Quentin Tarantino, Wes Anderson, William Petersen, Caleb Deschanel, Edgar Wright, Zubin Mehta, Wallon Green, Phillip Kaufman, Ellen Burstyn, Damien Chazelle ou encore Francis Ford Coppola, Matthew McConaughey, Michael Shannon, Dario Argento, Juno Temple, Walter Hill, Willem Dafoe et même Samuel Blumenfeld et Fritz Lang. Pas mal pour un cinéaste qui vociférera en fin de film – tout en provocation, affection et malice contrôlée –« fuck them all ! » ! (ICI).


Mardi 26 mai

Pour clore la semaine avec un énième semblant de tricherie (le sujet traité n’étant apparu que deux jours après la date donnée), quelques mots sur une forme critique d’un genre nouveau. Si cela fait quelques années que la critique vidéo prend de plus en plus de place sous forme de vlogs et autres avis face caméra (souvent aussi pauvres formellement que thématiquement), certains y apportent un style davantage singulier. Les plus talentueux d’entre eux, imaginant la forme vidéographique plus propice à l’analyse de séquences, s’éloignent généralement de la critique à proprement parler. Que celle-ci soit basée sur des faits journalistiques, façon Garnier ou sur l’interprétation psychanalytique, façon Douchet. On pourrait citer l’excellent travail de Mr Bobine ou de Versus – ce dernier, proposant une réelle et remarquable pensée critique – pour citer quelques chaines francophones, ou celui de feu Tony Zhou et son adage Every Frame’s a Painting. Et puis, pour rester dans la langue de Shakespeare, d’Hitchcock ou de n’importe quel autre auteur anglophone, du très régulier The Nerdwriter. Plus particulièrement de sa dernière vidéo analysant avec lyrisme et singularité (et une touche de sponsoring un peu malvenue) le chemin charismatique de Boggie de la petitesse renfrognée à la lumière grandissante. Bref, assez de ces mots privés d’images, place aux siens ciselés et mus sur une timeline de 499 secondes, exactement.

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