Dernière Séance # 01


Journal d’un cinéphile au XXIème siècle


Pensées, aphorismes, observations, opinions, réflexions, blagues… Attention, toute ressemblance avec la rubrique « Bloc-notes » de la revue Positif est absolument volontaire.


Mercredi 02 octobre

Mort de Wayne Fitzgerald. Moins connu que Saul Bass ou Maurice Binder, Fitzgerald était un de ces génies de l’ombre dont on ne mesure que trop peu l’apport dans l’histoire du 7éme art. Retiré de l’industrie depuis 2001, il avait su élever le générique au rang d’art majeur et marquer au fer rouge plusieurs génération de cinéphiles, du nouvel Hollywood des années 60/70 (Le Lauréat,Bonnie And Clyde, Rosemary Baby) à l’avènement du blockbuster des années 80/90 (Total recall, L’aventure intérieure, La mouche). On peut retrouver un échantillon de certaines de ses plus belles créations sur l’indispensable website « The art of the title » consacré aux concepteurs de génériques de films. 


Jeudi 03 octobre

Depuis ce matin, la planète twitter s’affole. Perdu dans Bruxelles, Javelot le fox terrier de Leos Carax est signalé disparu après une nuit de tournage au parc royal de Bruxelles. Peu adepte des réseaux sociaux, Carax a dépêché Adam Driver pour alerter la population sur son état de détresse avancé. Relayé par Mark Hamill, inoxydable interprète de Luke Skywalker, l’information fait boule de neige et finit par mobiliser même certains journalistes de CNN et de la BBC, c’est dire l’émoi international que cette traque canine suscite.

24 h plus tard, l’affaire est close Javelot a été retrouvé. Depuis les informations divergent, selon certains, le chien aurait été retrouvé ivre mort dans une taverne bruxelloise ou urinant sur les marches du palais royal.

Des informations à prendre au conditionnel mais qui résonnent avec un précédent faits d’arme de Javelot en 2005 où l’animal avait été filmé frottant ses parties génitales sur le postérieur d’un chat non consentant (la video de la sex tape ci dessous). De quoi lancer dans la foulée le hastag #Miaou Too.


Vendredi 04 octobre

Après un coup dans l’eau, avec le décès de Jacques Chirac, Emmanuel Macron est de passage en Aveyron pour lancer son « grand débat» sur les retraites, dans une ville soigneusement vidée de sa population.
De retraite, il en est question dans Canicule de Yves Boisset, ressorti cet été dans l’excellente collection « Make my day » dirigé par Jean Baptiste Thoret. Dernier grand rôle de Lee Marvin qui interprète ici un gangster prêt à ranger les flingues après un dernier grand coup, le film de Boisset reste 25 ans après sa sortie un film totalement inclassable et réjouissant. Poussif dans ses quinze premières minutes, où Boisset singe maladroitement les codes du cinéma américain (avec une fusillade sous Lexomil où flics et truands miment le mouvement de recul de leurs pistolets), le film décolle avec l’arrivée de Lee Marvin dans la ferme détenue par Miou-Miou et son mari Victor Lanoux. Avec sa famille de paysans consanguins, le film propose des élans déviants de très haute volée. avec en point d’orgue, la tentative de viol de Bernadette Lafont sur un Lee Marvin menotté.
Film miroir du bisseux Total Western d’Eric Rochant (cette fois-ci tourné en Aveyron, où Samuel LeBihan remplaçait Lee Marvin et Laurent Chalumeau, Michel Audiard), Canicule n’est assurément pas un des sommets de la carrière de Boisset mais reste un film suffisamment libre et allumé pour être amené à être redécouvert aujourd’hui.

Lee Marvin attendant sagement l’arrivée du programme de retraite d’Emmanuel Macron

Samedi 05 octobre

Des nouvelles de la stratégie Netflix: Après une succession de tweets alléchants de Guillermo Del Toro sur The Irishman, la rédaction de Transmission commence à s’informer de l’exploitation sur grand écran du film de Martin Scorsese, comme ce fut le cas pour Roma l’an dernier. Après enquête et selon certaines sources, la plateforme ne céderait les droits d’exploitation en salles que sous la forme d’un package de 3 films à sortir sur 4 semaines consécutives, et ceci sans possibilités pour les programmateurs de voir les films en amont.
Netflix jouerait sa partie de poker au bluff, une stratégie dans la logique d’une ligne éditoriale qui tire profit de têtes de gondoles pour refourguer un fond de catalogue disons, à minima plutôt « inégal ». Au petit jeu des devinettes, si The Irishman, fait partie du package on peut s’amuser à deviner qui des derniers Michael Bay, Noah Baumbach ou David Michôd tirera son épingle du jeu.

Update : L’information est tombée, pour les bruxellois, c’est au cinéma Aventure que seront diffusés The Irishman de Martin Scorsese, Marriage Story de Noah Baumbach et The two popes de Fernando Mereilles (David Michold et Michael Bay sont out).

Michael Bay interpellant Netflix pour sortir son film sur le nouvel i-phone 7

Dimanche 06 octobre

Revu hier pour la troisième fois depuis sa sortie salle, le beau The yards de James Gray. J’aime toujours autant le film, notamment pour tout ce qui gravite autour de Phœnix, très beau personnage tragique et veule qui voit peu à peu son monde s’effondrer (ce magnifique plan de son visage en pleurs écrasé contre le bitume). Mais pour la première fois, sûrement suite aux désillusions provoquées par The Lost city of Z et Ad Astra, j’y ai aussi découvert une certaine pesanteur, une lourdeur dans sa manière de souligner à grands traits la tragédie, notamment à travers les regards pesants de Marky Mark sur le couple Phoenix-Theron ou dans sa manière de jouer le choc des contraires d’une scène à l’autre. Tout un aspect du film qui m’avait échappé lors de mes premières visions et qui m’apparaît aujourd’hui parfois un peu trop scolaire et appliqué. Certaines facilités d’écriture que l’on retrouve également dans le cinéma du coscénariste de The Yards, à savoir Matt Reeves comparse de longue date de James Gray et de J.J. Abrams. Peut-être le syndrome d’une génération croulant sous le poids de ses aînés, même si le cinéma de Gray apparaît, à bien des égards, plus habité que celui de ses frères d’armes.

Why so serious James ?

Lundi 07 octobre

« Très cher cinéma français » d’Eric Neuhoff, c’est la polémique franco française et cinéphile de la rentrée. Dans son essai qui tire à boulets rouges sur l’industrie du cinéma français, le critique du Figaro à la gouaille plus affûtée que les arguments nous rejoue l’éternel couplet du « c’était mieux avant », avec toujours en étendard mythologique le culte de la nouvelle vague française, François Truffaut et Jean-Luc Godard. Avec son franc parler et ses punchlines, Neuhoff se délecte de ses petites piques qui se réclament de Bertrand Blier ou de Michel Audiard mais tiennent plus de Convoi Exceptionnel que de Préparez vos mouchoirs. Dans son dernier édito le vétéran Michel Ciment répond à Neuhoff en citant les noms de Audiard, Ozon, Dumont, pour redorer ce blason du panorama asphyxié du cinéma français dressé par son interlocuteur. Autant de noms que la presse répète à l’envie en fonction de ses affinités (Audiard, Ozon, Dumont pour Ciment, Yann Gonzalez, Justine Triet Mia Hansen Love pour d’autres) en prenant bien soin de laisser dans son angle mort les noms de Florent-Emilio Siri, Nicolas Boukhrief, Mathieu Kassovitz, Fred Cavayé, Olivier Marchal, Yann Gozlan, Antoine Bloissier… Autant de cinéastes qui détonnent un peu trop avec la sacro-sainte politique de auteurs que Neuhoff et Ciment entendent dénoncer tout en fermant délibérément les yeux sur tout un pan du cinéma populaire français.

Eric Neuhoff s’apprêtant à découvrir le nouvau Ozon en projection presse !

Mardi 08 octobre

Ce mémo a commencé avec la mort de Wayne Fitzgerald, il s’achève de manière tout aussi triste avec la mort de Philippe Tome, grand nom de la bande dessinée franco belge qui vient de nous quitter à l’âge de 62 ans. Epaulé par Janry au dessin, il avait su reprendre avec brio le flambeau de Spirou et Fantasio après le départ de Franquin. Une période faste étalée sur près de 15 ans qui s’était conclue avec l’aventure folle de La machine qui rêve, relecture audacieuse des aventures du duo, qui projetait nos deux héros lunaires dans une nouvelle dimension plus adulte et radicale. En parallèle, il avait créé ce qui restera son chef d’œuvre la série « Soda », petit bijou de polar « Hard boiled » jouant avec brio des codes du polar et d’une imagerie propre au film noir américain et magnifié par le trait ciselé et éminemment cinématographique de Gazzotti. Une série et un héros en forme de porte ouverte sur tout un pan du cinéma et de la culture américaine qui aura émerveillé et éveillé toute une génération de cinéphiles bédephiles nés dans les années 80. Amen !

Sur ce bonne semaine cinéphile !

Manuel Haas

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